Gluten et santé De nouveaux éléments

L'évolution des connaissances des pathologies liées au gluten permet aujourd'hui de mieux évaluer le poids des intolérants dans la population. Ces données récentes devraient faire évoluer les pratiques en boulangerie-pâtisserie.

Ce n'est que depuis quelques années que le corps médical a pris réellement conscience de l'ampleur de la souffrance d'une partie de la population vis-à-vis du gluten. L'intolérance a longtemps été synonyme de maladie coeliaque (MC) et n'était dépistée que chez l'enfant et le nourrisson, chez qui un retard de croissance associé à un déficit d'absorption intestinale était constaté. Avec la mise au point d'outils de dépistage plus pointus (analyses des anticorps du sang et des tissus de la paroi intestinale), les spécialistes ont été surpris de constater que la prévalence de la MC (proportion des individus atteints au sein de la population) était largement sous-évaluée. Aujourd'hui on estime qu'environ 1 % des personnes en France seraient concernées par la MC, ce qui représente plus de 600 000 cas. Et seulement 10 % à 20 % (selon les sources) d'entre eux seraient détectés.

La sensibilité au gluten non coeliaque est aujourd'hui une pathologie reconnue.

Une révélation tardive « Les études épidémiologiques révèlent la prévalence inattendue de la MC et transforment la pathologie, longtemps considérée comme une affection rare de l'enfant, en une maladie fréquente, susceptible de se révéler à tout âge. La majorité des diagnostics se font actuellement à l'âge adulte et les formes à révélation tardive sont en constante augmentation du fait d'un meilleur dépistage. Cette maladie est aussi 2 à 3 fois plus fréquente chez la femme. La forme classique associe diarrhée, amaigrissement, dénutrition, asthénie (fatigue) et douleurs abdominales. Les analyses biologiques révèlent une anémie par carence en fer et vitamines (B9, B12) ainsi que de nombreux déficits (albumine, calcium, magnésium, zinc…). Cette forme est en réalité minoritaire et les formes atypiques avec symptômes extradigestifs (qui touchent le système nerveux, la peau, les articulations…), pauci-symptomatiques ou silencieuses (symptômes absents ou peu dérangeants), représentent désormais la majorité des cas diagnostiqués chez l'adulte », explique le Professeur Christophe Cellier, spécialiste de la MC (1).

Bon à savoirLes pathologiesliées au gluten

Deux autres formesLes différentes formes atypiques de la MC recouvrent des symptômes très divers avec (selon les cas) des douleurs musculaires, osseuses ou articulaires, des aphtes persistants à la bouche, une dermatite herpétiforme (manifestation cutanée ressemblant à l'herpès), une ataxie (perte de coordination musculaire), une ostéoporose (avec risque de fracture)… Les progrès réalisés en matière de diagnostic permettent aujourd'hui à ces malades d'être mieux compris, suivis et traités. Ils ont permis également de mettre au jour d'autres réactions liées au gluten. La première, l'allergie alimentaire, se traduit par une symptomatologie allergique typique et immédiate : asthme, rhinite, urticaire, eczéma, vomissements, diarrhées, douleurs abdominales… Elle reste rare mais augmente sensiblement (comme toutes les allergies alimentaires). La seconde, l'hypersensibilité au gluten (ou sensibilité au gluten non coeliaque), pose par contre clairement un nouveau défi à la médecine… et à la boulangerie !

Hypersensibilité « De nombreux patients présentent des signes d'intolérance au gluten en l'absence de diagnostic biologique et histologique typique de la MC. Pourtant, ces patients s'améliorent nettement après l'état clinique de l'instauration d'un régime sans gluten. Cette nouvelle forme appelée « sensibilité au gluten non coeliaque » (reconnue officiellement en 2012 seulement - NDLR) affecte surtout les sujets de 40 à 60 ans. Les patients se plaignent de troubles survenant de quelques heures à quelques semaines après l'ingestion d'aliments à base de farines de blé, de seigle et d'orge. Ils se manifestent par des symptômes gastro-entérologiques (douleurs abdominales, diarrhées, ballonnements, constipation) et extra-intestinaux (maux de tête, fatigue, confusions, eczéma, rash cutané (éruption de boutons), douleurs musculaires et articulaires, anémie…). La recherche des anticorps de la MC est négative et la prédisposition génétique habituellement rencontrée chez les coeliaques est absente », indique le Professeur René-Louis Humbel (2). Cette hypersensibilité, encore mal connue, pourrait concerner de 2 à 6 % de la population en France (estimation qui varie selon les sources). L'intolérance au blé pourrait bien devenir un véritable problème de santé publique.

De nombreux adeptes du réglme sans gluten sont persuadésque derrière le blé moderne se cacheun véritable scandale sanitaire.

Gluten-free Malheureusement, il n'existe à l'heure actuelle aucun médicament (des recherches sont en cours et des pistes de traitement sont envisagées…). « Le traitement de l'intolérance au gluten repose sur l'exclusion du gluten de l'alimentation. Elle doit être stricte et définitive dans l'allergie au gluten et la MC. Elle peut l'être un peu moins dans la sensibilité au gluten non coeliaque », précise l'expert. Le régime sans gluten strict implique l'éviction totale de tous les aliments contenant une des trois céréales contenant le gluten (blé, orge et seigle – l'avoine semble poser moins de problème) et leur substitution par le maïs ou le riz. Le suivi par une diététicienne expérimentée et l'adhésion à une association de malades (telle que l'AFDIAG, Association Française des Intolérants au Gluten) sont préconisés. Pour la meunerie, la boulangerie et la pâtisserie, cette nouvelle donne implique une nouvelle réponse de toute évidence, sans pour autant verser dans une remise en question. Serez-vous de ceux-là ?

 

Le marché des produits sans gluten

(1) Chef de Service d'Hépato-gastroentérologie de l'Hôpital G. Pompidou à Paris et Président du groupe d'étude et de recherche sur la maladie coeliaque (GERMC), Inserm Paris. Source: Gluten et santé: quelles réalités? Symposium de l'Observatoire du Pain, 2013. (2) Directeur du Département d'Immunopathologie du Laboratoire Luxembourgeois d'Analyses Médicales (LLAM). Source: Nouvelles données sur l'intolérance au gluten. Communication du LLAM, 2013.

par Armand Tandeau (publié le 2 mars 2015)

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